mardi 6 novembre 2012

Synopsis


  Résumer le fil narratif d'Enter The Void n'est pas facile, même si les faits présentés sont assez simples et peu nombreux. En effet, à sa sortie, beaucoup de critiques se plaignaient du "peu de scénario", ou pariaient sur son inexistence. Ce n'est pas facile dans le sens où simplement décrire l'histoire pure ne fait pas du tout justice au film, ce serait réducteur.


  Il est alors intéressant de savoir que le scénario d'Enter The Void, rédigé par Gaspar Noé, réunissait environ 150 pages, tandis que pour son film précédent, Irréversible (2002), le tournage en reposait sur uniquement 3. Irréversible ne fut pas pour autant critiqué pour cela (mais pour certaines scènes très explicites).


  Sur le plan purement narratif, Enter The Void suit la vie, et la mort, d'Oscar (Nathaniel Brown), américain, dans ses vingt ans, qui habite Tokyo, et qui passe ses heures éveillées à se shooter au DMT (parmi d'autres substances psychotropes, naturellement), développant assez manifestement un statut de junkie, que lui reproche son pote Alex (Cyril Roy). Ce dernier est par ailleurs assez envoûté par la sœur d'Oscar, Linda (Paz de la Huerta), arrivée depuis peu à Tokyo, et devenue quasi-instantanément strip-teaseuse (tout comme l'actrice l'interprétant, Linda a un goût prononcé pour l'exhibitionnisme).


  À la vingt-troisième minute du long-métrage, Oscar est abattu dans les toilettes d'un bar, chassé par la police nippone pour des motifs reliés à la drogue. Oscar aura été trahit par son ami Victor (Olly Alexander), qui le piégea en l’amenant au bar, et qui regrettera son action, ne pensant pas qu'Oscar allait être tué. Dans la défense de Victor, précisons qu'Oscar coucha avec sa mère, et que cela ne resta point un secret.



  Le film tourne également autour d'un trauma d'enfance d'Oscar et Linda : la mort de leurs parents, consécutivement à un accident de voiture les impliquant, avec un camion.



  Ces quelques axes narratifs ne forment qu'une maigre partie du scénario, car le film n'a pas la vocation d'être narratif, il est, si l'on réduit tout à un petit adjectif : visuel (avec la part de son qui vient avec). 


  Le film de Noé correspond plus à une série d'impressions qu'à une histoire proprement dite, il est davantage monstratif, sensitif, que narratif. Le film est tourné en ocularisation interne primaire, comme le dirait François Jost, c'est à dire, en caméra subjective (lors des épisodes de souvenirs, Oscar sera là filmé de dos). Enter The Void est viscéral, non-rationnel, et transcende la narrativité qui est souvent intrinsèque au cinéma dit traditionnel. C'est un film qui possède beaucoup de qualités expérimentales, parfois abstraites. Certes, le film a "une histoire", même non-linéaire et décomposée, mais ce n'est pas cela qui constitue l'attrait du film. 



  Gaspar Noé fonde son scénario sur Le Livre des Morts Tibétains, découvert à l'âge de 18 ans, qui décrit "les états de conscience et les perceptions se succédant pendant la période qui s’étend de la mort à la renaissance" (Wikipedia). Le livre est explicitement mentionné dans le film, Alex le prête à Oscar, et ils en discutent pendant la séquence précédant la mort physique d'Oscar.


  Noé montre les différentes étapes que mentionne le livre bouddhiste (il n'y sera pas complètement fidèle), ce qui explique certains éléments expérimentaux du film, comme les récurrentes plongés dans des sources lumineuses, souvent suivies de passages purement stroboscopiques, durant parfois plus d'une minute, ou les déformations de la perception par des effet fish-eye et tilt-shift.



  Pour filmer la mort puis la décorporation d'Oscar, Noé s'inspirera des expériences de mort imminentes, qui sont relatés dans des livres comme Life After Life (1975), du psychiatre Raymond Moody. Il est d'ailleurs souvent remarqué que les descriptions du Livre des Morts Tibétains et les descriptions des expériences de mort imminente sont parfois très similaires (projections astrales, décorporations, attirance vers des sources lumineuses, quiétude, visualisations de périodes passés de sa vie, etc).


  Après Le Livre des Morts Tibétains et les expériences de mort imminente, ce sont les expériences psychotropes de Noé qui influencèrent la rédaction du scénario. Beaucoup de séquences du film sont psychédéliques, il s'agit de faire ressentir au spectateur ces états seconds. Gaspar Noé, d'après ses expériences personelles, nous montre les hallucinations d'Oscar, des séquences sont dédiés à des tunnels de formes et de couleurs, accompagnés par des drones musicaux, passant autant par les fréquences très basses que par les harmoniques les plus aigües. Comme un kaléidoscope, le trip d'Oscar évolue à l'écran, c'est assez hypnotique, nous plaçant dans un état aérien pendant quelques minutes. Tout comme les passages complètement stroboscopiques, le temps est mis en suspens, au profit d'un cinéma purement sensoriel, abstrait. Voici une vidéo, présente sur le support DVD du film, qui donne une idée des recherches psychédéliques : http://www.youtube.com/watch?v=5cRSueFTRBM



  Tout au long du film, le spectateur flotte, la caméra est suspendu au-dessus des personnages, tourbillonne, traverse les parois, s'envole dans les airs, au grè de la volonté de l'âme d'Oscar.


  L'image vibre, vaporeuse, nébuleuse, floue, une sorte de sfumato cinématographique. Les couleurs éclatent, acides, éblouissent la caméra, et par endroits, Noé joue avec les aberrations chromatiques et les effets de persistance rétienne.


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